18 octobre 2020

Challenger le concept de "test"​ pour l'​#exoptober de la Direction Excellence Opérationnelle Voyages SNCF !

Interview #2 pour l’#exoptober2020 de la Direction Excellence Opérationnelle Voyages SNCF.

Quelle définition avez-vous de ce mot / concept “test” ?

Quand il s’agit de penser test, nous vous invitons à penser prototypes, remontées utilisateurs et test & learn. En effet, pas de test sans prototype ! Ces 2 éléments clés d’une démarche de conception sont intimement liés. Avec un prototype, on rentre dans le dur, on donne forme à une fonction. Il s’agit de rendre tangible, donc testable une idée.

Tester, c’est se confronter au réel, afin d’apprendre, donc s’améliorer.

Que gagne-t-on en testant ? Quels risques à le faire, mais également à ne pas le faire ?

Tout d’abord, attention à ne pas confondre maquette et prototype car cela influe sur la démarche même des tests, donc sur les résultats. Pour grossir le trait, disons qu’une maquette se veut plus ou moins réaliste, esthétique et séduisante, elle peut être fragile, elle ne se touche pas, elle se présente… Les remontées dépendront donc principalement de la façon dont elle a été présentée, avec tous les biais que cela implique.

Le prototype est fait pour être utilisé, si possible sans explication préalable, afin de voir si l’usage proposé est compris de façon intuitive et s’il est ergonomiquement effectif. C’est un crash test de concept (d’où le terme de POC : Proof Of Concept). Il s’agit donc littéralement de rendre manipulable une idée, que ce soit par l’esprit dans le cas d’un storyboard expliquant un parcours utilisateur envisagé, ou par le corps via un jeu de rôle pour éprouver un process ou encore directement l’ergonomie d’un objet physique ou digital entre les mains.

Si certains angoissent à l’idée de présenter, voire d’assumer, leurs réflexions, en design nous voyons surtout la formidable opportunité de confronter de nos concepts au réel. Mettre notre travail dans les mains de ceux à qui il est destiné permet de bénéficier rapidement de feedbacks d’usages et donc pouvoir tout aussi rapidement améliorer ce que nous concevons. Gain de temps, d’argent et d’efficacité.

Il ne faut pas hésiter à tester souvent et surtout à tester tôt !

Enfin, ne faisons pas l’économie du prototypage “quick and dirty” pour reprendre cette expression certes anglo-saxonne mais des plus expressives. Bien au contraire. Il suffit souvent de peu de choses pour tester une amorce d’idée ! Quelques schémas structurels mis en forme sur du papier permettent de tester une expérience digitale. Quelques éléments de taille réelle en bois, imprimés en 3D, voire en carton, permettent de tester des parcours ou une gestion de flux de personnes. Encore plus en amont dans la réflexion, modéliser via des éléments de lego® sur une table permet de formaliser un process, donc de mieux échanger à son sujet que s’il restait abstrait dans le cadre d’un échange oral.

Il est donc aisé de prototyper simplement afin de tester rapidement. Cela permet d’optimiser la courbe d’apprentissage de l’équipe de conception, donc de renforcer sa capacité à viser de plus en plus juste en avançant dans le process.

Les risques à ne pas partir en tests ? Passer à côté de tous les bénéfices à l’avoir fait et s’égarer en cours de route. Plus on teste tôt, plus on se plante en amont, donc plus on s’améliore en chemin.

« Se planter, c’est planter ! »

Quels sont les freins rencontrés ? Comment les dépasser ?

Nous l’avons vu, l’appréhension de confronter ses idées au réel et la peur de l’échec sont souvent le premier frein. Viennent ensuite la capacité à organiser et gérer les tests.

Pour dépasser cela, le plus simple est de bien organiser ses phases de test :

  • recruter tôt sa communauté de testeurs afin de s’assurer de sa disponibilité à chaque étape.
  • qualifier ceux qui vous donneront leurs feedbacks, qu’ils soient représentatifs des utilisateurs finaux.
  • optimiser l’aspect intuitif de vos prototypes afin d’éviter de trop en dire lors de leurs présentations. Cela évitera les biais naturels, mais délétères, de celui qui ne pourra s’empêcher de « pré-vendre » en présentant.
  • à ce sujet, préférez confier les tests à une équipe neutre ne participant pas à la conception.
  • si ce n’est pas possible, répartissez les rôles : séparez les observateurs, neutres et à distance des testeurs, de la personne qui conduira les tests, en interaction avec les testeurs, donc pas 100% disponible pour les observer, particulièrement leurs signaux faibles.
  • préparez également vos outils de prise de notes pendant les tests. A titre d’exemple, une simple grille de 4 cases (points positifs / points négatifs / idées / questions) vous permettra d’optimiser votre prise de note et donc vous consacrer d’autant mieux à votre observation.
  • enfin prenez du recul à l’analyse : dissociez vos concepts de l’équipe de conception (ce sont les idées qui sont évaluées, par leurs concepteurs), et restez focus sur votre intention de départ et vos enjeux.

Car si tout est bon à prendre, tout n’est pas toujours facile à recevoir, et surtout tout n’est pas nécessairement à retenir. Il faut également parfois faire confiance à ses intuitions et assumer ses convictions (jusqu’à un certain point).

Un exemple récent ? Qu’en avez-vous appris ?

Un accompagnement intense et passionnant d’une équipe de conception pas banale composée des directrices et directeurs d’une dizaine d’usines européennes pour un leader mondial de la transformation alimentaire. L’enjeu était de taille : repenser l’usine de demain, plus respectueuse des individus comme de l’environnement. La facilitation de ce programme de conception collaborative s’est déroulée en 3 temps, avec une phase de test à chaque étape.

Tout d’abord à lors d’un workshop de plusieurs jours en mode design thinking, ces dirigeants d’usines ont très vite testé leurs différentes solutions d’évolution, en formalisant leurs concepts sur la table via des constructions symboliques en briques lego®. Cela leur a permis, lors de ces tests, mais également dès la phase de prototypage, d’identifier de premières incohérences, des points de friction à retravailler, ainsi que de premières opportunités d’optimisation immédiate.

A l’issue de cette première série d’évaluations quasi immédiates, les concepts retenus ont été testés à nouveau mais plus précisément via les outils d’analyse logistique & RH internes au groupe.

Puis à peine 6 mois après les premiers jours de workshop, une usine a été désignée comme laboratoire et progressivement réorganisée afin de tester grandeur nature les solutions retenues et optimisées au préalable grâce aux précédentes étapes de test. 12 mois après, c’est tout le groupe qui déployait en Europe sa nouvelle vision d’une production industrielle plus responsable et toujours aussi efficace.

Un dernier point à retenir : impliquer des décideurs réels dès les premières heures de conception, puis tout au long des processus de test et d’optimisation, garantit assurément d’avancer vite et bien.

Alors testez tôt, plantez-vous souvent et améliorez vos solutions rapidement.