2 mai 2020

Les principes du Design Thinking pour construire des marques innovantes ?

Interview pour Les Dossiers Création & Créativité de l’ISCOM Paris

Pouvez-vous définir en quelques mots le Design Thinking ?

On peut dire que c’est une démarche d’innovation collaborative, multidisciplinaire et centrée utilisateur. Pour saisir l’esprit du Design Thinking, il faut bien comprendre ce qu’est le design, trop souvent réduit à la stylistique et aux lignes. Le design, c’est du dessin à dessein. Il s’agit d’identifier un problème dans nos usages et notre rapport au monde, puis essayer d’y répondre de manière innovante afin d’améliorer la vie des nôtres.

C’est une démarche fondamentalement empathique dans le but d’innover utile.

Justement, le Design Thinking est une démarche au service de l’innovation. Une occasion de redéfinir les termes « innovation » et « créativité » qui sont souvent employés sans distinction…

Oui, effectivement, il faut bien faire la différence. Les deux termes ne sont finalement pas à mettre sur le même plan.

La créativité n’est-elle pas la capacité à créer, à imaginer, voir à penser & à faire différemment, à inventer un concept ou un process original, disruptif ? On a par exemple besoin de créativité lorsqu’on veut capter l’attention, émerger, inscrire une marque dans les esprits.

L’innovation est pour sa part une démarche qui vise à « mettre du neuf dans quelque chose » mais aussi favoriser l’adoption de cette nouveauté. Dans tous les cas, l’innovation est une démarche plus qu’un résultat. C’est ce qui la différencie de l’invention. Parfois même et paradoxalement, l’invention arrive, mais l’innovation vient plus tard. Comme ce fut par exemple le cas pour l’appareil photo, il y a plus d’un siècle, d’abord rejeté pour son usage premier puis rapidement redécouvert et détourné par les artistes. Si l’invention n’est pas adoptée, alors comment parler d’innovation ?

Il faut une bonne dose de créativité pour innover !

Quel est le processus du Design Thinking ? Pouvez-vous en donner les étapes clefs ?

On peut le présenter en 5 étapes.

  1. Il y a d’abord une phase d’empathie. On se met à la place de l’utilisateur de façon bienveillante et on le cerne dans toutes ses dimensions y compris les plus irrationnelles.
  2. Puis on traite, on trie, on organise l’information et on définit ou précise une problématique.
  3. Pour y répondre, on se lance dans une phase de divergence, d’idéation maximum.
  4. On entre ensuite dans une phase de convergence qui vise par exemple à « clusteriser », regrouper les idées par famille et faire des choix.
  5. Vient ensuite le prototypage qui permet de concrétiser et surtout d’éprouver quelques idées, de les visualiser, et enfin de tester celles qui semblent le mieux répondre à la problématique.

Et parce que c’est un processus itératif, on se donne le droit de revenir en arrière à chaque étape, autant de fois que nécessaire.

Quel est le préalable à une approche Design Thinking réussie ?

Il faut, entre autres, préparer son atelier et savoir le conduire, réunir une équipe pluridisciplinaire motivée, cadrer le sujet, ne pas juger, privilégier le « oui et » plutôt que le « non mais », encourager les idées folles, générer le plus d’idées possible, construire sur les idées des autres, s’autoriser le dessin, les schémas et toutes formes d’expression, préférer la quantité dans un premier temps, accepter de se tromper souvent pour avancer plus vite, juger de la qualité par les remontées utilisateurs…

En quoi cette démarche est particulièrement adaptée à l’innovation ?

D’abord parce que c’est un processus créatif centré sur l’utilisateur.

On n’est plus aujourd’hui dans une économie de produit ou même de service mais bien une économie d’expérience. L’objectif est de permettre de nouveaux usages à l’utilisateur.

Ensuite, parce que c’est une démarche basée sur un travail coopératif qui permet de générer non pas « the big idea » mais qui favorise un foisonnement d’idées très variées et donc augmente la probabilité d’innover.

Enfin parce que la méthode va jusqu’au prototypage qui permet de voir mais surtout de tester, de manipuler, de comprendre intuitivement.

On a bien là le souci de la mise en oeuvre rapide de l’idée et le plus tôt possible de provoquer la rencontre entre l’objet (au sens large) et l’utilisateur, de favoriser son adoption.

On se pose moins la question de ce qui va faire acheter, que de ce qui va être utile.

Quelle place donnez-vous au Design Thinking dans le management des marques ?

Pour moi, le Design Thinking permet de travailler moins sur la création de la marque que sur son expérience.

Il vient nourrir le branding, favorise l’émergence de nouveaux services et nouveaux produits afin d’angler et de renforcer la culture de marque, toujours en cohérence avec ses fondamentaux.

Le Design Thinking permet de proposer de nouvelles expériences, techniquement et économiquement satisfaisantes et surtout créatrices de valeur. Il participe donc à rendre la marque plus désirable, plus fiable et toujours plus viable.

Même en Branding, le Design Thinking est une démarche plus centrée sur l’usage, que sur l’image !

Dans un monde très changeant, les marques sont-elles condamnées à innover perpétuellement ?

Point d’injonction ! Le questionnement de l’innovation doit être permanent, en revanche l’innovation n’est pas obligatoire. Innover à l’excès peut par exemple conduire à l’obsolescence programmée.

En cela la démarche Design Thinking est tout à fait appropriée puisqu’elle donne une place centrale aux utilisateurs.

Ce qui est important, c’est de créer du nouveau utile.

Comment une marque peut réussir l’équation de la durabilité et de l’innovation ?

Une marque est durable précisément parce qu’elle est innovante tout en étant respectueuse de son environnement et de ses usagers. Elle doit être capable de proposer de nouvelles expériences mais toujours en phase avec sa plateforme de marque. Patagonia en est un bon exemple : la marque s’est construite sur le respect de l’environnement & des personnes, et c’est dans cet esprit qu’elle continue à enrichir sa gamme et proposer de nouveaux services, d’enrichir l’expérience de marque.

Une marque comme Patagonia dure parce qu’elle innove & ne se perd pas en route.

Pour conclure ?

Je dirais que le Design Thinking répond précisément aux enjeux de la durabilité puisque l’approche privilégie une relation vraie, honnête, utile avec les utilisateurs et favorise donc certainement en cela la fidélité des publics aux marques.

Pour aller plus loin ?

Intéressez-vous au programme Creative Design Branding de l’ISCOM Paris.